Conversation lunaire à propos de Kalachnikov…

Au cours d’un déjeuner chez Reprisa, l’équivalent local (toute proportion gardée) de Ladurée…

Laure, qui habite près de l’école française : comment va Miss E. maintenant ?

Moi : la semaine dernière, il y a eu un feu d’artifice à Maïdan et Miss E. n’a pas eu peur. Je crois qu’elle va mieux. D’ailleurs, je me suis rendue compte que le feu d’artifice ne faisait pas du tout le même bruit que les tirs de Kalachnikov… vraiment, c’est totalement différent. Tu ne trouves pas ?

Laure : heu… je ne sais pas, je n’ai jamais entendu de tirs de Kalachnikov…

Et j’ai compris, à ce moment-là, que ce n’était pas donné à tout le monde de connaître le son d’un tir de Kalachnikov !

 

Publicité

Le jour d’après

Voilà une dizaine de jours, que nous avons retrouvé notre home sweet home à Kiev. Le stress et la tension, qui me tenaient, il y a un mois, ce sont un peu éloignés, même si parfois, l’actualité reprend le dessus.

Ma réalité quotidienne aujourd’hui, c’est que ma petite Miss E., même si elle est toujours une petite fille joyeuse et pleine de vie, est maintenant aussi une petite fille qui a peur… difficile pour une maman d’entendre, que la première phrase complète prononcée par son bébé est « j’ai peur ». Difficile aussi de trouver des mots simples pour apaiser ses peurs.

Il y a deux jours, un feu d’artifice a éclaté alors qu’elle venait de se coucher. En sursaut, elle s’est levée, la peur se lisait sur son visage, et est allée se réfugier dans le lit de sa grande soeur. Je comprends bien qu’il faut parler aux enfants, qu’ils comprennent tout, mais quels mots choisir ? comment faire pour ne pas laisser s’envoler cette part d’innocence et de naïveté ? dans le manuel de maman, je n’ai pas trouvé.

C’est aussi dans ce genre d’épreuve que l’on se rend compte du bien fou que fait la communauté française. Nous avons vécu les mêmes choses, ressenti cette même impression de vivre un événement en spectateur, sans y prendre part, un peu pour nous protéger, un peu parce que tout simplement nous ne sommes pas Ukrainiens. Nous avons vu notre ville changer, se durcir, souffrir. Dorénavant, nous vivons au jour le jour, en profitant chaque jour de notre ville d’adoption. Chacun se soutient, chacun chasse les mauvaises pensées de l’autre… et la vie reprend.

Ce qui m’a frappé en me promenant sur Maïdan la semaine dernière, c’est que malgré les hostilités, malgré les jours noirs, pas une vitre du centre commercial « Globus » n’a été brisée, pas un magasin n’a été vandalisé. Certes, quelques morceaux de rues ont été « dépavés », le McDonalds est devenu un « centre médical » d’urgence… et les barricades sont toujours là. Mais la vie a repris.

En parlant de vie qui reprend, il fait tellement beau depuis notre retour. Demain, c’est sûr, nous irons déjeuner à la plage ! Et oui, à Kiev, il y a des plages… à 3 stations de métro de chez nous ! Vous êtes bluffés, n’est-ce pas ?

Promis, le prochain post sera plus léger. D’ailleurs, vous ai-je déjà parlé de ma copine Isabelle* ?

 

 

 

back home!

Enfin de retour à Kiev après quelques jours réfugiées en France. La ville est calme, très calme.

Quelques photos prises hier et aujourd’hui à Maïdan.

Ce diaporama nécessite JavaScript.

Le jour où tout a basculé

Il m’aura fallu quelques jours pour digérer, ou du moins être capable de raconter ce que j’ai vécu, ce que j’ai ressenti. Nous avons quitté, les enfants et moi, Kiev, précipitamment. La situation en Ukraine, vous la connaissez tous, elle a été largement suivie, commentée, disséquée par les médias français. Je reviendrai peut-être plus tard sur l’angle choisi par les médias, peut-être…

Difficile choix de quitter un pays si soudainement, difficile choix d’y laisser son mari, difficile aussi de vivre avec cette impression tenace d’avoir quitter le navire… mais pour la première fois, j’ai eu peur. Peur d’un hypothétique débordement, peur de ne pas être capable de protéger mes enfants.

La journée du mardi 18 février avait pourtant commencé comme les autres, Miss L. à l’école, Miss E. au cadik, et moi en cours de russe à Podol. Un mardi sur deux, je participe au « Bistro », un déjeuner de Françaises et ce mardi, nous avions rendez-vous à 13h au restaurant Terracotta situé au dernier étage de l’hôtel Premier Palace. Quand j’arrive, je ne remarque rien, quelques minutes plus tard, je vois une fumée noire du côté de Kréchiatik. Sans doute des pneus que les manifestants font brûler (ce n’était pas la première fois)… quelques minutes plus tard encore « regarde Maud, on dirait que c’est la Poste qui brûle, à côté de chez toi »… première boule d’angoisse, Miss L. va rentrer de l’école… je m’approche des fenêtres cela ne me paraît pas si loin de nous, plutôt proche de la Mairie…

Ce diaporama nécessite JavaScript.

Le déjeuner s’éternise, j’appelle ma voisine qui ne semble pas du tout inquiète, j’essaie de me calmer. Après le repas, je file vers le supermarché le plus proche faire quelques courses, il paraît que l’ambassade américaine a conseillé à ses ressortissants de faire des provisions pour 4 jours… en sortant du supermarché, ambiance lourde dans les rues, mais je ne comprends pas pourquoi à ce moment-là, je me précipite dans le métro… bizarrement les couloirs sont vides… en marchant je pense « dois-je rentrer à pied, si oui il faut que je fasse un grand détour pour éviter Maïdan, ou en métro, mais là encore, je ne peux pas m’arrêter à la station Maïdan ». Rapidement, je comprends que je n’ai pas le choix, tous les métros sont fermés, tout le monde est dans la rue et se presse.

En marchant, j’appelle Galina pour qu’elle aille d’urgence chercher Miss E. au Cadik. Il y a cette impression que quelque chose se prépare, mais finalement sans maîtrise de l’ukrainien, on ne comprend pas vraiment, des rumeurs courent… faut-il y croire ?

Le temps de rentrer chez moi… ouf, nous sommes toutes les 3 à la maison. Reste Mister Jo, toujours au bureau, qui me promet de rentrer tôt. Mais en fait, à ce moment-là en dehors du périmètre « barricadé », et en dehors du fait que les métros sont fermés, tout reste « normal ».

17h30 : mail de l’Ambassade de France, qui nous conseille de ne pas nous « rendre sur les zones où se déroulent actuellement les affrontements »

17h44 : mail de l’école française « Lycée Anne de Kiev fermé jusqu’à nouvel ordre… les enfants doivent rester à leur domicile et ne pas effectuer de sortie inutile »

20 heures, feu d’artifice tiré de Maïdan… qu’est-ce que ça veut dire ?

20h30, Mister Jo rentre enfin et me dit que tout est calme dans les rues.

Mais au loin, nous entendons très clairement les bruits de tirs… que dire aux enfants, quelques semaines plus tôt, sur les conseils d’Isabelle, je leur avais dit que des gens faisaient du tambour, mais là…

Mercredi 19 février matin, pas question de sortir de chez nous, sauf pour Mister Jo…

Mister Jo : Si tu le sens, appelle Air France pour voir si vous pouvez partir demain ou vendredi

J’appelle Air France. Il reste des places pour un départ le lendemain à 12h30, ma réservation est bloquée jusqu’au soir 22 heures. Le temps pour nous de voir comment la situation allait évoluer. Pas d’école, pas de nounou, et impossibilité de sortir prendre l’air, pourquoi finalement ne pas avancer de quelques jours notre retour en France. A ce moment-là, malgré le stress, je n’arrivais pas à imaginer qu’un départ anticipé était nécessaire. D’autant plus que mes copines habitants dans d’autres quartiers de la ville, continuaient à vivre normalement. En dehors de la zone « barricadée », les bus circulaient, les magasins, les restaurants, les salles de sport étaient ouverts.

Sans comprendre pourquoi, en milieu de matinée, je commence à faire les valises, à 13h30, j’appelle Mister Jo « les valises sont prêtes, j’ai peur, peut-être pouvons nous prendre l’avion de 17h30 ».

Voilà comment à 17h15, nous décollons de Kiev pour Paris en passant par Munich. Mais être dans l’avion sans Mister Jo…

Pour la première fois, j’ai eu peur parce que pour la première fois je n’arrivais pas à raisonner, pour la première fois, je me suis laisser envahir par les rumeurs et pour la première fois elles ont été plus fortes que moi.

Merci à mes copines de Kiev, qui nous ont proposées de nous héberger quelques temps loin de notre quartier, merci à celles qui m’ont conseillées et écoutées, merci à Aurore qui a répondu si gentiment à tous mes appels de détresse, merci à tous nos amis français pour leurs pensées.

Non, Laurent, ce ne sera pas la fin de ce blog. Kiev me manque, et je compte bien y retourner à la fin des vacances scolaires, le 10 mars !

WP_20140202_006

Le jour où je me suis promenée dans mon congélateur

WP_20140126_016Quand, en regardant par la fenêtre de ma chambre, j’ai vu  s’afficher « -21°C » en haut de la tour de Maidan, je l’avoue, j’ai eu peur de sortir de chez moi. C’est exactement à cette température qu’est réglé mon congélateur !

Mais avec l’école des enfants, mon cours de russe à Podol, impossible de faire la marmotte à la maison. Et puis, ce n’est pas comme si je ne savais pas que cela pouvait arriver. Depuis quelques jours déjà le thermomètre oscillait entre -14 et -18 °C.

-21°C : il était donc temps, maintenant, de vérifier la qualité de mon équipement « grand froid ». Et pas question pour moi de déroger à la règle (j’ai déjà été obligée d’oublier mes escarpins de 12 cm) : une robe / une jupe en toute circonstance ! Si j’ai acheté des collants polaires chez Top Shop, ce n’est pas pour les regarder, la larme à l’oeil, dans mon placard !

Point fashion :

– un Tshirt technique + un petit pull + une doudoune Uniqlo + ma doudoune canadienne : j’avais presque trop chaud,

– bottes fourrées + collants polaires + mini jupe en laine : ça passe,

– enfin bonnet doublé polaire + gant coupe vent + écharpe polaire et le tour est joué.

J’ai juste eu froid aux genoux et aux joues et une mèche de cheveux (qui sortait du bonnet) a été congelée…

Comme me l’a écrit Amélie, je comprends maintenant pourquoi nos appartements ici sont surchauffés. Quand on rentre après une bonne demi heure de marche, c’est comme si on entrait dans un bain.

Bilan :

– tant qu’il n’y a pas de vent cette température polaire est tout à fait vivable, revigorante même, avec un grand soleil, c’est même trompeur (et beau).

– bien équipé, le froid, finalement, n’empêche pas de sortir et de vivre son quotidien.

– it’s never too cold to snow ! (ça se confirme)

Regardez comme Kiev est belle sous la neige.

Ce diaporama nécessite JavaScript.

PS : même si l’école française est restée ouverte (ce qui n’est pas le cas des écoles ukrainiennes) pendant cet épisode de grand froid, « par mesure de précaution, les récréations [ont été] annulées pour tous les élèves. »

революция

Pеволюция (prononcer révoloutsiya) ou révolution comme on dirait en français. En réalité, en français, nous utiliserions plutôt le mot manifestation. Mais ici, depuis 3 semaines, un seul mot revient sans cesse : « революция ». Très clairement, ce que je vois  au quotidien est bien moins effrayant que les images que vous voyez au journal de 20h, ce que je vois est aussi bien moins effrayant que n’importe quelle manifestation française.

Alors, parce que maintenant je vis en Ukraine, parce que je ne peux pas, dans ce blog, faire comme s’il ne se passait rien, parce que j’habite à 200 mètres de la place de l’indépendance (appelée aussi майдан, prononcer maïdan), parce que, chaque nuit, je vibre au son des chants « révolutionnaires », alors, j’ai décidé aujourd’hui de faire le tour de Maïdan et de descendre Kréchiatik jusqu’à la mairie occupée, appareil photo à la main. Et parce que je ne suis pas journaliste, certaines images m’étaient impossibles à capturer… par pudeur.

C’était donc aujourd’hui, jeudi 19 décembre, entre 15h et 16h. (1°C)

Ce diaporama nécessite JavaScript.

Jour de manif

vers 17 heures aujourd’hui, sur Krechiatik et sur la place de l’indépendance (Maïdan)

Ce diaporama nécessite JavaScript.